Bonjour M. Saingré, vous dirigez l'incubateur d'Advancia depuis plus de sept ans. Pouvez-vous nous présenter ses spécificités ?
Il y a sept ans j'ai créé cet incubateur à Advancia pour offrir aux entrepreneurs un lieu où ils pourraient se donner les moyens de réussir leur pari. C'est un centre d'entrainement. L'entrepreneur y travaille son projet avec un entrepreneur, créateur de son entreprise. Des experts l'aident à intégrer les compétences indispensables pour convaincre ses clients, financer son projet et développer son leadership.
L'accompagnement se fait en groupe et individuellement. Chaque année une promotion accueille pendant six mois, trente entrepreneurs de toute origine, âge, secteur d'activité et à tous les stades de maturité du projet d'entreprise.
Dans le monde des incubateurs nous nous distinguons en ce que nous faisons d'abord le choix de l'entrepreneur.
Comment définiriez-vous le métier d'accompagnement des entrepreneurs ?
A l'incubateur nous croyons en l'amitié, en l'exigence et au profit. Accompagner un projet c'est avoir le courage de dire ce que l'on croit, de fixer un niveau d'exigence pour le travail et la performance fournis par l'entrepreneur et l'inciter à tirer profit de toutes les critiques, particulièrement des plus virulentes. Accompagner c'est enfin être capable de dire et de faire à la place si c'est nécessaire.
En sept ans, avez-vous constaté une évolution importante dans l'environnement de la création d'entreprise en France ?
En sept, tout ou presque a changé en matière de création d'entreprise, particulièrement dans le monde de l'accompagnement des créateurs.
Les jeunes autrefois indifférents sont motivés par la création d'entreprise dans laquelle ils voient un moyen d'expression et de construire une carrière professionnelle. L'offre d'accompagnement a explosé. Elle s'oriente insensiblement vers une offre d'apprentissage par l'expérience. Elle répond en cela au besoin d'apprendre différemment et à la spécificité de la démarche de création qui est un parcours d'apprentissage.
Les incubateurs aussi font flores dans les écoles et sur tous les territoires. Là aussi les choses changent. L'exemple d'internet les pousse à mettre en question l'utilité des sacro-saint business-plans et études de marché au profit de l’expérimentation, du PowerPoint et du storytelling.
En matière soutien à l’innovation, les objectifs assignés aux organismes qui accompagnent n’ont pas changé : Le mot d’ordre reste de valoriser l’innovation technologique (sortie des laboratoires de recherche) par tous les moyens. Lorsque la valorisation de l’innovation passe par le biais de la création d’entreprise, les incubateurs ont pour objectifs de mettre en lien l’équipe entrepreneuriale réunie autour de l’innovation technologique avec l’environnement économique : dans ce cas, les fonds d’investissements, les experts qui traduisent les propositions en débouchés commerciaux ou en valeur financière, les organismes publics, en France Oseo, les agences, instituts de recherche, les agences administrative, les fonds de prêts….
Ce qui a changé ce sont les modalités de valorisation. L’impact de la génération Internet et des pratiques de la Silicon Valley induisent des comportements nouveaux et de nouvelles manières de valoriser l’innovation. Sur Internet on ne valorise plus l’innovation de la même manière que dans les technologies traditionnelles.
La légitimité se décrit en « Killer application » et doit se raconter, comme on me l’a dit en une phrase : « je suis le AAA du XXX ». Sur ce marché ou le premier en notoriété prend tout, la légitimité se construit en deux phases : montrer qu’on intéresse (un prototype qui touche un public) ; être capable d’attirer une gloire de l’internet, un Angel : un type qui a la confiance des investisseurs et qui est réputé capable de brasser de l’argent d’en faire !
De nouveaux acteurs surfant sur cette vague font leur apparition. Ils reproduisent des modèles d’incubateurs de la vallée Ycombinator, TechStars… et attirent des entrepreneurs en promettant une expérience qui optimisera leur chance de lever des fonds et des Angels…
L’accompagnement dans ce cadre est collectif là ou il était individuel. Le focus porte sur la capacité à « pitcher » son modèle en 10 minutes sous les feux de la critique des entreprenautes et des acteurs de la toile. Le business-plan est moins important que l’application et si les modèles économiques font rêver, c’est la technologie, les algorithmes de développement qui gouvernent.
Il faut être capable résoudre techniquement des équations commerciales…
Avez vous également constaté une évolution des entrepreneurs qui rejoignent votre incubateur ? De leur préparation, motivation, envie, compétence ?
Il semble que cette nouvelle vague, bulle apporte avec elle le même rêve de fortune que l’on peut discuter. Elle apporte en même temps des effets vertueux comme : l’intérêt croissant pour l’entrepreneur qui faisait rêver et qui maintenant rassure parce qu’il affiche en plein jour son besoin de soutien. L’implication formelle des chefs d’entreprise dans les problématiques de soutien des entrepreneurs. Ils sont restés longtemps absents et centrés sur leurs soucis (rémunération, reconnaissance…) depuis moins de dix ans ils sont présents et les ainés soutiennent maintenant activement et durablement leurs pairs (Cf. l’institut de mentorat créé 2005 par un chef d’entreprise) et des initiatives de plus en plus nombreuses autour de l’argent et de la réassurance et de la mise en réseau. Elle présente enfin la démarche entrepreneuriale comme vertueuse et riche d’opportunité même si l’entreprise ne voit pas le jour ou pas longtemps.
Quant aux entrepreneurs, ils éprouvent les mêmes difficultés que par le passé. Ils restent freinés par l'anxiété et l'isolement. Les jeunes sont davantage dans l'action mais peinent à prendre du recul. Les plus agés ont du recul et peinent à tenter des actions. Les deux partagent toujours la même difficulté à affirmer le parti pris qui leur permettra de se déterminer pour décider et agir. Cependant ils sont moins réticents. Ils apparaissent plus précis et plus engagés, plus ouvert à l'entrée de partenaires financier, moins écrasés par la figure de l'entrepreneur "ce héros" bref, toujours avec autant de talents et toujours aussi sympas.
Voir le site de l'incubateur d'Advancia.