Voici un message de notre invité Glenn Kelman, directeur de Redfin, une société qui permet aux gens d’acheter des maisons sur Internet. Il offre un point de vue alternatif à mon message sur la facilité de créer une société à la longue traîne, généré par l’utilisateur, web 2.0, de contenu open-source et ayant pour but la mise en place d’un réseau social.
Le mois dernier, Guy a traité James Hong et Markus Frind comme des héros pour gérer des sites web multi-millionnaires comme Hot or Not (Sexy ou pas ?) ou Plenty of Fish (Suffisamment de poissons) en sous-vêtements. Leurs statistiques sont à tomber par terre : Douze milliards de pages vues, 380 clics par secondes, deux heures de travail par jour.
Récemment, j’ai réfléchi à combien il était difficile, et non pas facile, de créer une nouvelle entreprise. La difficulté est passée de mode. Comme des étudiants universitaires qui se vanteraient de la manière dont ils ont vaguement travaillé leurs cours, les jeunes sociétés projettent précieusement une image de facilité. Quelque soit mon lieu de travail, nous sentions secrètement le contraire. Nous sommes assaillis par les doutes, mortifiés par nos propres failles, entourés d’incompétents, irrités par des détails stupides. Essayer d’être comme James ou Markus a seulement été contre-productif.
Et maintenant, après avoir créé quelques sociétés, je ne suis même pas sûr que je voudrais que ça soit aussi facile. Travailler deux heures par jour n’était pas mon objectif quand je suis venu m’installer dans la Sillicon Valley. Quelqu’un se souvient-il de la vieille vidéo de Steve Jobs lançant le Mac ? Il avait les larmes aux yeux. Et même si Jobs est Jobs et que je ne suis personne, je savais ce qu’il ressentait. J’avais eu la même réaction—de manière absurde—en lançant un logiciel sur un portail internet et plus récemment avec Redfin, un nouveau site web immobilier.
« Le plaisir mégalomaniaque de la création, » écrit le psychanalyste Edmund Berger, « produit un certain type d’exaltation qui n’est comparable avec aucune autre expérience par les autres mortels. » Jobs ne pleurait pas seulement de joie, mais à cause de tout le bricolage, le pleurnichage, les exigences, les retouches de vente, et les spasmes d’autocritiques qui entrent dans la composition d’un beau produit. Tout cela était remboursé d’un seul coup.
Comme les âmes de Dostoïevsky qui sont admises au paradis parce qu’elles ne se sont jamais considérées comme dignes d'y aller, les entrepreneurs qui réussissent ne peuvent pas être convaincus qu’aucune autre entreprise n'a les mêmes problèmes que les leurs, puisqu’ils comparent constamment les soirées de lancement triomphales et les histoires révisionnistes de sociétés qui réussissent, à leurs propres problèmes quotidiens. Juste pour que vous sachiez que vous n’êtes pas seul, voici un top 10 des manières dont une jeune société peut se sentir profondément enlisée sans l’être réellement.
1. Les vrais croyants deviennent fous à la plus petite des provocations. Les meilleurs personnes dans la création d’entreprise se font trop de soucis. Ils restent éveillés tard pour écrire des mémos à la Jerry Maguire, écoutant discrètement les appels de soutien, faisant rapidement les tâches administratives, citant Joel Spolsky d’Aerons ou Paul Graham de Cubes. Ce sont votre cœur et vos os, donc vous devez leur donner ce dont ils ont besoin, c’est-à-dire beaucoup. La seule façon de les avoir de votre coté est de leur accorder de l’importance.
2. Les grands projets attirent de bonnes personnes. Si vous n’êtes pas en train de faire quelque chose qui en vaille le peine, vous ne trouverez jamais personne de valable pour travailler dessus. Je pense souvent à ce qu’Ezra Pound dit une fois dans l’un de ses poèmes épiques, que « si c’est un échec, ce sera un échec valant tous les succès de son époque ». Nous n’écrivons pas de la poésie, mais il est important pour nous de faire de la concurrence aux agences immobilières plutôt que de simplement publier leurs publicités. Vous avez besoin d’une grosse mission pour recruter des gens qui attachent de l’importance à ce que vous faites.
3. Les jeunes sociétés sont des attrape-originaux. Vous devez être fondamentalement déçu par la manière dont les choses marchent chez Microsoft pour les quitter, mais aussi plutôt irréaliste pour croire que le monde peut changer et rejoindre une jeune société innovante. C’est une combinaison volatile qui peut donner lieu à des changements d’humeur de groupe et à une équipe vêtue d’habits légèrement bariolés. Ainsi, ne vous inquiétez pas si votre société semble avoir plus que sa part normale d’huluberlus.
4. Une bonne programmation prend du temps. Un informaticien de génie peut faire dix fois plus que dix médiocres, et ceci tout spécialement durant la phase de lancement d’un projet. Mais les ingénieurs de génie ont toujours besoin de temps : A chaque fois que nous avions pensé que notre talent, éparpillé comme de la poussière par le paradigme enchanté de l'innovation, nous épargnerait de prévoir du temps pour créer et tester, nous l'avons payé. Faire quelque chose d’élégant prend du temps, et le culte du travail rapide va parfois à l’encontre de ça. « Ralentissez la précipitation ».
5. Tout le monde doit re-faire. Les raccourcis que vous avez dû prendre et les problèmes que vous n’aviez pas pu anticiper dans la construction de la version 1.0 de votre produit signifie toujours qu’il vous faudra faire une version 2.0 ou 3.0. Ne vous découragez pas ou ne perdez pas de vue vos objectifs à long terme. Contentez-vous de re-faire. C’est comme ça que ça marche.
6. Les leaders sans peur sont souvent terrifiés. Le dirigeant de la société la plus prometteuse que je connaisse a récemment utilisé Hikkup pour demander anonymement à ses amis sur Facebook si son idée était bonne. Le simple fait que vous vous en souciez ne signifie pas que votre idée est mauvaise ; Les meilleurs idées sont les plus effrayantes. Et surtout, ne croyez pas les déclarations d’après-coup d’entrepreneurs qui « savaient » ce qu’ils devaient faire.
7. Cela sera toujours un travail dur. La plupart des jeunes sociétés trouvent un problème intéressant à résoudre et continuent ensuite d’y travailler. Lors d’une récente cérémonie de récompenses, Steve Balmer, dirigeant exécutif de Microsoft a tenté d’expliquer le secret du succès de Microsoft et a seulement pu déclarer que c’était « beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail ». C’est un cliché évident, mais la plupart des entrepreneurs restent fixés sur le moment où ils ont eu l’idée Eureka ! Si vous ne croyez pas que vous ayez un quelconque avantage compétitif sur le quel vous appuyer, vous êtes le genre de personne incertaine qui travaillera sa concurrence au sol, alors continuez de travailler.
8. Cela ne va pas aller mieux—ça l’est déjà. Dès les premiers jours, les jeunes entreprises se concentrent sur combien cela sera merveilleux lorsqu’ils auront du succès ; mais dès qu’elles en ont, elles commencent à parler de combien c’était merveilleux avant. Dès que je m’engage dans cette voie, je me souviens de la complainte de Bède Le Vénérable, selon laquelle ses contemporains du huitième siècle avaient perdu la ferveur des moines du septième siècle. Même au plus tôt des temps anciens, les gens étaient nostalgiques…des temps anciens. Les jeunes sociétés sont comme des monastères médiévaux : Toujours convaincus que le paradis est juste devant eux ou que les choses ne se sont dégradées que récemment. Si vous pouvez apprécier le processus de construction d’une entreprise plutôt que son résultat, alors, vous serez un meilleur leader.
9. La confiance est votre seule devise. Lors d’un déjeuner, la semaine dernière, un ingénieur a déclaré que la seule chose dont il se souvenait de son entretien était que nous lui avions dit que la seule issue pour Redfin--ou n’importe quelle jeune société innovante--était la faillite, mais qu’il devrait quand même nous rejoindre. C’est étrange, mais plus nous avons tenté d’avertir les gens des risques, plus ils semblaient les ignorer. Et puisque vous devez continuer de prendre des risques, vous devez continuer d’en avertir les gens. Vous ne voulez pas être comme Saddam Hussein, qui n’a jamais préparé ses généraux à une invasion parce qu’il ne pouvait pas admettre qu’il n’avait aucune arme nucléaire.
10. La concurrence commence à 100 millions de dollars. Un partenaire de Sequoia m’a dit un jour que la concurrence ne commençait vraiment que lorsque vous atteignez 100 millions de dollars de revenus. Peut-être que ce chiffre est plus bas de nos jours. Mais si vous faites quelque chose qui en vaille la peine, quelqu’un d’autre le fera aussi. Puisque vous ne pouvez pas voir ce qui se passe derrière le joli site web d’un concurrent, il est naturel de supposer que tous les challenges que vous avez surmontés s’appliquent juste à votre société. Ce n’est pas le cas, alors continuez à croire.
L’article qui précède est la traduction de l’article «On the other hand: The flip side of entrepreneurship by Glenn Kelman"» de Guy Kawasaki. La traduction et publication sont autorisées par l’auteur: retrouvez régulièrement sur notre blog les articles de Guy Kawasaki.
Guy Kawasaki est Directeur de Garage Technology Ventures, une société de capital-risque qui investit tôt dans les sociétés. Guy est également éditorialiste pour Entrepreneur Magazine. Auparavant, Guy avait le titre d’Apple Fellow chez Apple Computer, Inc. Guy est l’auteur de huit livres, incluant L’art de se Lancer, Rules for Revolutionaries, How to Drive Your Competition Crazy, Selling the Dream, and The Macintosh Way. Guy possède un BA de l’Université de Stanford et un MBA de l’UCLA, ainsi qu’un Doctorat honorifique du Babson College.
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